La qualité du réseau
“Vous devez activer votre réseau”, c’est devenu la phrase convenue que l’on assène aux cadres en transition. Soit comme un constat d’impuissance, version Pôle Emploi: « avec votre profil et ce que vous souhaitez faire, il faut que vous activiez votre réseau ». Soit comme un conseil éclairé venant d’amis ou connaissance « Jean a trouvé un très bon nouveau job en rappelant ses anciens collègues. Fais comme lui, active ton réseau ».
Et voilà donc mes cadres, seuls, encore en poste ou déjà hors de leur ex-entreprise, qui regardent avec envie et méfiance leurs carnets d’adresse. Ils créent un profil plus ou moins inspiré sur Viadeo (« j’mets mon cv ou pas? »), envoient des cv par e-mails à tous les consultants, RH et DG qu’ils ont pu rencontrer dans leur vie et dont ils ont pu retrouver les coordonnées, et rencontrent tous les jours des gens qu’ils ne connaissent pas (explosant ainsi leurs budgets « repas ») …
Malheureusement, je ne pense pas que faire du réseau soit cela.
1. Ces outils nouveaux que l’on appelle des réseaux sociaux sont bien entendu des passages obligés de notre communication personnelle aujourd’hui. De notre communication personnelle, pas nécessairement de nos recrutements. En tant que Chasseur de Têtes, je les ai toujours utilisés davantage pour faire du business que pour trouver des candidats.
Ils vous permettent d’être visible (=montrer que vous existez) et lisible (=mettre en avant les aspects de votre profil et de votre carrière que vous souhaitez). Ce ne sont que des outils: le marteau ne plantera pas le clou à votre place. Certes en ce moment l’un des membres de nos programmes de transition (sur 22) est engagé sur un recrutement grâce à LinkedIn. Il n’en demeure pas moins que LinkedIn, comme Viadeo, doivent d’abord vous permettre de trouver de nouvelles cibles d’entreprises intéressantes, et de trouver d’autres cadres avec lesquels discuter pour valider vos axes de recherches.
2. Envoyer des candidatures spontanées à des personnes dont quelqu’un vous a donné le nom obtiendra le même résultat que le fait d’envoyer des candidatures spontanées de façon plus traditionnelle. Rien. Presque rien; si vous êtes chanceux.
Si ce n’est que par ailleurs vous y ajouterez une touche personnelle qui pourrait rendre votre destinataire mal à l’aise. En effet je n’ai jamais compris quel miracle les personnes qui pratique ainsi escompte générer. Ce n’est pas parce que quelqu’un est connu d’une de vos propres connaissances qu’il ou elle a un poste pour vous.
En revanche cette personne, parce qu’elle estime celui ou celle qui vous a donné son nom, pourra très probablement vous offrir 15 minutes de son temps au téléphone (ce qui suffit amplement dans la plupart des cas) pour répondre à vos questions sur son entreprise, son secteur d’activité et/ou son job. Et vous permettre de continuer à creuser ou non la piste, ainsi vous pourrez éventuellement lui demander à son tour de vous orienter vers d’autres qui pourraient vous apporter de l’information supplémentaire.
3. Je vais peut-être vous choquer. Je ne vois aucun intérêt « professionnel » à rencontrer face à face un grand nombre de personnes dans le cadre d’une démarche de transition réseau. Bien entendu, si j’en avais le temps je rencontrerais au moins 10 personnes nouvelles par jour: c’est passionnant et tellement riche! Je deviendrais un fin observateur de l’humanité et je deviendrais probablement plus sage.
Mais cela n’a pas de rapport avec une transition professionnelle. Si je dois investir 1 heure à rencontrer un pair, il faut que je m’y prépare (prise d’informations sur l’individu son parcours, son entreprise et le secteur…), que je m’y rende, que je me « débriefe » et lui envoie un e-mail de remerciement et de résumé ensuite. En bref j’investirai sans doute plutôt 4 ou 5 heures qu’une! Je n’ai pas ce temps à consacrer. Et puis dans ce contexte je vais certainement recevoir beaucoup de feedback sur ma démarche, mon projet, mon profil. Presque autant d’avis différents que je rencontrerai d’individus. Cela pourrait bien me déstabiliser dans mes opinions et mes certitudes.
Je dis souvent qu’il faut en moyenne une soixantaine de rdv réseau pour obtenir une offre; je parle de rdv ciblés, pas de petits-déjeuners avec tous mes anciens collègues qui sont aujourd’hui dans des entreprises ou des secteurs dans lesquels je ne souhaite pas travailler.
Je qualifie donc téléphoniquement tous mes contacts réseau au préalable pour voir s’il y a un réel intérêt à ce que nous nous rencontrions. Ce n’est pas de l’égoïsme, mais du bon sens.
J’ai autrefois connu un consultant en recrutement qui avait la responsabilité de développer pour notre cabinet le secteur des transports. Il attendait près de son téléphone qu’une des personnes de son carnet d’adresse, auxquelles il n’avait pas manqué d’écrire au moment de sa prise de poste, l’appelle. Il est parti à la retraite sans avoir créé beaucoup de comptes. Réseau ou non, à moins de compter sur la chance, vous devez aller chercher votre prochain job, il y a peu de chances qu’il vienne à vous. Abandonnez la posture du candidat, prenez celle du business developper.
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