Gouvernance & diversité culturelle : 2 enjeux, 1 objectif commun
Le bien-vivre ensemble en entreprise est-il inhérent à la Gouvernance ?
« Gouverner c’est faire croire » – Machiavel
Qu’est-ce que c’est la gouvernance ?
La gouvernance est une notion floue et peu définie. Un anglicisme qui s’impose dès les années 90 et décrit une situation de gestion complexe d’organisation. Elle nécessiterait une forme de compromis à travers une redéfinition du modèle de gestion en prenant en compte des intérêts complexes et parfois contradictoires. Appliquée dans la sphère publique et pour des institutions comme l’ONU ou l’Union Européenne, la gouvernance sous-entend un modèle de bien vivre ensemble intégrant la dimension de négociation d’un modus operandi entre différentes parties prenantes.
La gestion de la complexité ou des intérêts contradictoires dans le privé
Dans la sphère privée, la notion de gouvernance est utilisée souvent en parlant des grandes sociétés multinationales. La gouvernance sert à concilier par exemple les intérêts parfois contradictoires entre les actionnaires et les gestionnaires, mais aussi à répondre à l’enjeu de la diversité. Il s’agit de la tension que rencontrent les grands groupes mondialisés entre la globalisation des standards et les process garantissant une forme de cohérence du groupe et la nécessaire adaptation aux logiques et impératifs locaux. Le modèle « glocal » think global act local serait une réponse un peu trop facile à cette injonction presque paradoxale, car les modes de fonctionnement sont toujours porteurs de sens et renvoient à un système de valeurs plus profond. La négociation proposée à travers la gouvernance du groupe serait ainsi une tentative de réconcilier des dilemmes, de trouver des formes de coopération hybrides répondant à ces postulats culturels sans oublier le rapport des forces entre la logique du siège et des filiales qui est inhérent à cette recherche des compromis.
Identifier, comprendre et partager la raison d’être d’entreprise : un préalable pour une bonne gouvernance ?
Les entreprises ne cessent de chercher la recette de la cohésion et de la stabilité d’une part et de la performance et de l’innovation d’autre part. La manière d’organiser cette gestion de l’entreprise passe aussi par la recherche de la bonne structure organisationnelle. Minzberg décrit 7 configurations organisationnelles voulant répondre à ces enjeux – dont mécaniste avec une forte technostructure et l’importance des process et standards mettant de l’huile dans les rouages, divisionnelle, donnant une grande autonomie à des entités spécialisées ou encore missionnaires qui mise sur l’importance de la culture comme principal élément normatif et fédérateur. Bien qu’il existe un choix prédominant de configuration adoptée par l’organisation, les gestionnaires essayent périodiquement de révolutionner son mode de fonctionnement. Qui n’a pas connu des centralisations (surtout quand le contexte de développement se crispait) ou de décentralisation quand on devait répondre à l’impératif de l’innovation et de l’adaptation aux marchés locaux ?
La mission difficile de concilier « think global » et « act local » dans des contextes culturellement différents n’est pas pour autant impossible, à condition de trouver un moyen de dessiner l’objectif commun. C’est là qu’intervient la raison d’être d’entreprise et l’impératif de pouvoir et savoir la partager avec toutes les parties prenantes. La gouvernance serait alors un moyen de dessiner le chemin commun, la mission de l’entreprise dans un cadre négocié et acceptable pour tous. Les relations entre le siège et les filiales vont notamment s’inscrire dans ce cadre négocié et en fonction de la gouvernance (ou bonne gouvernance) permettre ou pas de rééquilibrer les forces et les contributions.
Ainsi une bonne gouvernance collaborative n’étoufferait pas la voix des filiales, leurs contributions ou initiatives qui permettraient à toute organisation de bénéficier de cette intelligence collective. Créer au sein du groupe un organe responsable de la transmission de ces initiatives est l’une des voies possibles, très souvent il prend forme de services « globaux » ayant comme objectif de négocier entre ces deux logiques du siège et des filiales. Institutionaliser ces flux envoie un message important aux protagonistes et incite à fluidifier les échanges.
Parfois de bonnes idées arrivent d’une contrainte locale prise en considération, à condition de l’entendre. Quand Danone a commencé à commercialiser de l’eau minérale au Mexique (Evian) les consommateurs mexicains, habitués à des boissons sucrées ne voyaient pas d’intérêt à dépenser de l’argent pour acheter de l’eau, de surcroit très chère. Danone fidèle à sa raison d’être (promotion de la nourriture saine) ne pouvait pas accepter à vendre des sodas. C’est ainsi que les eaux aromatisées sont nées et devenues le Block Buster du groupe vendu dans le monde entier. Une réalité locale prise en considération a permis à l’ensemble du groupe de bénéficier d’une innovation insufflée par la contrainte.
Réconcilier les logiques divergentes, s’entendre sur les rôles des instances de gouvernance
Il arrive aussi que même si les parties prenantes se mettent d’accord sur la mission de l’entreprise, la compréhension des rôles de chacun peut s’avérer complexe et constituer un vrai obstacle pour la construction de la bonne gouvernance. C’est exactement ce qui est arrivé à l’occasion de la fusion Lafarge Holcim. Une fusion qui devait composer avec deux logiques décisionnelles et pratiques différentes de l’autorité. Le modèle de bien-vivre ensemble en Suisse repose sur la reconnaissance du principe de subsidiarité et de consensus.
Comme l’a décrit Pierre Robert dans son article : « La vision de l’autorité et de l’obéissance aux règles ne saurait être dissociée de la notion de parties prenantes. La subsidiarité impose ainsi la prise en compte des compétences des parties prenantes dans tout processus de décision ». « La hiérarchie et le pouvoir sont insuffisants, la décision ne sera acceptée que lorsque l’ensemble des avis aura été sollicité » la légitimité du décisionnaire repose sur sa capacité à embrasser l’ensemble des opinions. Ce n’est pas ce que Bruno Laffont, choisis pour porter la fusion en qualité de PDG, a compris. Dans la culture française, le consensus proche du compromis n’est pas la meilleure solution. Le décisionnaire doit répondre à la quête de la vérité – lire excellence, et celle-ci ne peut pas être le fruit d’un compromis « mou ». Très vite ainsi Bruno Laffont est écarté de son poste, comme le décrivait la presse suisse, à cause de ses comportements monarchiques ou il se trouverait le seul maître à bord.
On oublie souvent que derrière les organisations se cachent des postulats beaucoup plus profonds faisant appel à nos croyances, à notre conviction que le modèle de bien vivre ensemble repose sur quelques éléments non négociables.
Ces différences ressortent notamment très fortement à l’occasion des fusions, alliances, acquisitions. Le facteur culturel devient ainsi prépondérant dans la réussite ou l’échec de la coopération internationale. « Culture eats strategy for breakfast » disait Peter Drucker et sa non-prise en compte peut coûter très cher. La bonne gouvernance reposerait ainsi sur une prise en compte de modèles mentaux en œuvre et leur traduction dans un modus operandi négocié et acceptable par les parties prenantes.
Crédit photo de couverture :
Photo de Christina @ wocintechchat.com sur Unsplash
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