Quels changements positifs a induit le confinement ?
Avril 2020, pour la plupart d’entre nous, tout s’est ralenti ; les jours ont succédé aux jours, nous avons réappris l’instant et puis, nous avons commencé à penser l’après. Réflexions, envies, fantasmes : retrouver une certaine liberté, tout en se disant que tout ne peut pas reprendre comme avant, qu’il faut que cela change. Et il faut que cela change, notamment pour la santé et le secteur hospitalier.
Nous sommes tous (ou presque), convaincus d’un Avant et d’un Après.
Noyés dans le tourbillon d’un monde où consommer était la valeur haute, nous avons découvert que le système lui-même pouvait dire STOP. Quand la machine va redémarrer avec la tentation de nous pousser à faire plus pour rattraper le temps perdu, il importe que nous y ayons réfléchi et que nous ayons anticipé.
Que voulons-nous garder de ce confinement ?
« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » écrivait Nietzsche dans Crépuscule des Idoles.
Mais ce qui ne nous tue pas peut néanmoins nous affecter. Et nous allons sortir changés. Pendant sans doute plusieurs mois, nous ne nous « ferons plus la bise », ni ne nous serrerons la main, nous serons méfiants sur les objets du quotidien : poignées de porte, barres de métro, carafe au self …. Marqués par les risques de la maladie tout autant que la pression culpabilisante du discours d’état, nous porterons des masques et sans doute des gants. Nous privilégierons les escaliers à l’ascenseur, les transports publics seront boudés lorsque cela sera possible ; nous irons boire un verre en terrasse, ou plutôt un pique-nique sur les quais, mais en apportant la bouteille. Qui peut dire à quoi ressemblera nos vacances d’été, et la rentrée ! Nous aurons gagné un automatisme du nettoyage des mains ! Nous garderons des distances prudentes et si un malotru éternue près de nous, ce sera le vent de l’effroi. Il y aura pour certains l’angoisse des grands espaces, pour d’autres l’insupportabilité de rester enfermés. Nous serons, à des degrés divers, marqués par cette période d’enfermement pas tout à fait volontaire.
Il restera également des cicatrices dans le corps social, le corps politique et le corps économique. Les mesures de traçage, le discours relayé par la presse qu’un bon citoyen est un citoyen confiné en règle de ses autorisations de sortie référencées, datées, signées à l’encre indélébile ; les opérateurs de télécommunication transmettant des données « anonymisées » jusqu’au tracking pour combattre la pandémie, les forces de l’ordre supplées de drones pour faire régner la loi, des couvres feu pour limiter les bacchanales ; des entreprises passant massivement en télétravail quelle qu’ait été leur politique antérieure ; un système au ralenti hors fonctions vitales – tout cela n’était pas faisable et pourtant cela a été fait. Tous ces changements se font par palier ; mais les paliers franchis en période de crise ne seront pas tous redescendus.
Nous appartenons, nous le savons, à une culture qui met au parangon le culte du fort, la notion de résilience et sur cet impératif de repartir et de se renforcer, le temps de confinement est une parenthèse en Or. Faire du sport, prendre du temps pour soi et réfléchir. C’est un temps d’arrêt, « une transition » comme on dit, quand on change d’emploi.
Mais ce temps de ralenti est COLLECTIF, il est quasi mondial.
Il appartient à chacun en fonction de son expérience, de son passé et de ses espoirs de déterminer ce en quoi personnel et/ou professionnel, citoyen, consommateur : ce temps d’arrêt va permettre un changement. En enfant de la Résilience, ce temps de confinement est pour beaucoup l’occasion de re-priorisation. A quoi affectons-nous ce temps qui « avant » nous glissait entre les doigts :
- Tel livre ? Oh oui très intéressant, mais je n’ai pas le temps…
- Un verre de Jurançon entre amis, un cinéma ? Non, pas ce soir, je n’ai pas le temps.
Ce « Pas le temps » au service du travail impérieux, inexorable, qui ne souffrait aucun retard est pourtant celui-là même qui s’est mis à l’arrêt pour tant de monde. Tiens, il y avait finalement un peu de temps, de temps présent, de temps à vivre.
Nous n’avions pas de temps, et des demandes du plus grand nombre, rien n’était possible : revenu universel, relocalisation des secteurs stratégiques, réaménagement urbain…
Tombe la pandémie et tout ce qui n’était pas concevable le devient, soudain, comme par magie, le pire comme le meilleur, les règles dites et les règles tacites. La presse, les blogs, les twitts chaque jour viennent nous rappeler que tous ceux qui le peuvent télétravaillent, que l’éducation se fait à distance, que l’Espagne regarde le revenu universel, que le gouvernement français annonce l’impératif de la maitrise des productions stratégiques, que les européens réapprennent à fabriquer leur pain et pour ceux qui ont un jardin, que la pelouse fait place à de petits carrés maraichers, … Le possible se fait jour au global et se décline au particulier.
A chacun, au cours de cette période de confinement, de saisir l’importance du possible et de son impact dans le collectif. Il nous faut cultiver nos liens. Ces liens protéiformes qu’on redécouvre, qu’on met en place et qui survivent à leur dématérialisation. Se rappeler, également, que la valeur de nos vies transcende les valeurs marchandes. Que tous, nous fassions qu’il reste AUSSI au-delà du Covid 19, de la pandémie, des confinements, ce que nous aurons décidé de garder et ce que nous voulons en faire.
Pour aller plus loin :