Comment la crise de la fin des années 2000 m’a permis de changer de vie ?
En 2008, je dirigeai les opérations françaises d’un cabinet de chasse de têtes. Nous étions en plein développement, notre croissance était internationale, soutenue et ‘robuste’, car se reposant sur des interventions dans de multiples secteurs. Nous travaillions d’arrache-pied et étions satisfaits chaque mois de voir nos progrès et le résultat de nos efforts.
Survint une crise financière qui se transforma en crise économique mondiale.
Le changement de mindset était inévitable
Il fallut piloter dans l’incertitude, c’est-à-dire d’arrêter de poser la question spécifique de la sortie de crise, mais plutôt établir comment opérer ici et maintenant ? Comment en faire un mode de fonctionnement viable ? Trouver le nouveau business model ?
Je dus poser des questions peu évidentes (à moi d’abord, aux autres ensuite) : que puis-je faire de nouveau ? De quoi suis-je capable, que je ne faisais pas jusque lors ? En bref comment puis-je servir dans ces conditions nouvelles ? Ceci établi, il s’agit de découvrir comment le ‘monétiser’. Une petite dizaine d’années plus tard je découvrirai le concept d’Ikigai…
En constatant qu’un recruteur est en puissance un conseiller en transition professionnelle, j’appris définitivement que, quelle que soit notre expertise il est toujours possible de s’appuyer sur celle-ci pour exercer un autre métier. À condition de bien vouloir apprendre quelques points spécifiques et ne pas se reposer sur ses lauriers.
Nous inventâmes donc de nouvelles activités pour survivre, dans notre cas ce furent les programmes d’outplacements collectifs (ce qui demandent une implication autre que d’animer un PSE, mais ce n’est pas le sujet de cet article).
Je découvris à quel point j’adorais contribuer à ces programmes personnellement, je réalisai qu’il y avait des forces que je n’utilisais jamais et que je préférais pourtant mettre en œuvre : transmettre un savoir, expliquer aussi bien en tête-à-tête que face à un grand groupe, motiver (donner à quelqu’un l’envie et les moyens de faire de son mieux), remonter le moral, apprendre à apprendre, animer des groupes de travail et de partage d’expérience…
Au quotidien et bien plus qu’auparavant cela signifiait :
Se battre sur chacun des cas – mais accepter que parfois le combat ne valait plus la peine d’être mené.
Définir quand et comment passer la main, et accepter de renoncer pour mieux reprendre plus tard, afin de gérer son énergie et son investissement personnel, son équilibre vie privée / vie professionnelle.
Et surtout se remettre d’attaque chaque matin.
Je croyais savoir déjà à cette époque que l’on ne peut pas s’en sortir seul.
Mais ce fut un choc que de réaliser qu’il n’est pas aisé de savoir sur qui s’appuyer. Des collaborateurs avec lesquels les liens semblaient, au préalable, forts décidèrent de la jouer solo, d’autres posèrent des conditions -voire des ultimatums- et certains firent carrément défaut. Se retourner après quelque temps et s’apercevoir de la valeur, et des valeurs, de ceux qui restèrent, compensa néanmoins largement les précédentes déceptions,
Le retour à la normale fut une épreuve.
Sourire à tous ces clients qui nous parlaient à nouveau de partenariats, mais avaient coupé 100% de nos activités pour eux, très tôt dans la crise, ou avaient repoussé leurs délais de paiement en parlant « d’efforts de solidarité », me fut de plus en plus ardu.
Se focaliser sur les activités les plus rentables, mais pas les plus utiles aux individus et soudain ne presque plus avoir de temps pour soutenir les individus en transition me parut une autotrahison.
Constater là encore, qu’une fois la crise passée, entre collègues on a parfois plutôt la tentation de jouer des coudes que de se les serrer, rendit la pilule encore plus amère.
Réaliser, enfin, que l’aventure en commun à laquelle nous survécûmes n’avait pourtant pas réellement créé de vocation commune ni permis d’établir une vision commune de notre activité fut mon épiphanie.
Puis, j’ai fait le grand saut.
Une fois la tempête surmontée, j’ai renoncé à mes responsabilités de management dans le cabinet pour lequel j’avais travaillé 15 années durant et j’ai créé ma propre société. Pour ne devoir rendre compte à personne d’autre que mes clients et pouvoir, me consacrer aux activités qui avaient fait sens pour moi durant la crise. Pour ne plus donner de temps aux activités qui pour moi s’étaient révélées à moindre valeur, parce que ne correspondant pas à mes valeurs. L’impact sur mon compte en banque ne fut pas anodin, l’impact sur ma joie de vivre et ma raison d’être professionnelle fut sans commune mesure.
Aujourd’hui, nous commençons à vivre une crise nouvelle, qui sera probablement très forte elle aussi.
Je ne me pose pas pour autant toutes ces questions que je me posais en 2008/9. Peut-être que je suis à ma place dorénavant et que j’ai trouvé ma voie ?
En effet chez AC Mentoring nous aidons les managers à mieux communiquer et accompagner leurs équipes, les entreprises à s’organiser de manières plus flexibles, adaptables et robustes, et les individus à prendre le contrôle de leur carrière. Je nous trouve assez pertinents, pour le coup. En effet, quoi de plus satisfaisant que d’aider les personnes à se sentir mieux dans leur vie, car elles se sentent mieux dans leur job ? Et quoi de plus motivant pour quelqu’un que d’aligner ce qu’il est avec ce qu’il fait ?