Une vision
Je commence à croire que la maladie la plus répandue chez les cadres est la myopie… Ils voient très bien ce qu’ils ont sous les yeux et sont capables de l’analyser, le disséquer, etc. Mais lorsqu’il s’agit de regarder au loin et de se projeter, leurs capacités sont finalement très étroites: ils ne savent pas regarder l’horizon.
On attend de la plupart des managers que j’accompagne en poste, qu’ils réorganisent ou au moins qu’ils améliorent l’organisation des départements dont ils ont la charge. Souvent je les vois s’y prendre à l’envers. Ils partent de ce qu’ils ont et non de ce qu’ils veulent…
De même, nombre de ceux que j’accompagne en transition ne sont pas capables au début de vraiment me décrire leur projet ou un peu plus tard de définir leurs cibles. Ils réagissent seulement: « je ne veux plus faire la même chose » ou « je ne connais que le secteur dans lequel j’ai toujours travaillé ».
Dans ces cas de figure, mon travail est de les forcer à ne pas seulement réagir, mais à avoir des objectifs. Et donc à décider en fonction d’un plan, d’une stratégie, lâchons un grand mot: d’une vision. Si on ne sait pas où l’on veut aller, pourquoi se mettre en marche, dans quel direction partir?
Avec les managers qui réorganisent, nous tachons de répondre aux questions suivantes: quels seront les signes immédiatement visibles et mesurables de ce que la nouvelle organisation va apporter? Quels en sont les indicateurs? Qui mesurera? Quelles sont les ressources nécessaires? Quelles compétences devons nous avoir dans les équipes? Les avons-nous?
Et seulement à ce moment-là commençons-nous alors à traiter les questions individuelles. Cela peut mener à des recrutements. Cela nous fait très souvent établir des plans de développement et de formation, voire de la mobilité et/ou des séparations. Et nous pouvons accepter de positionner des collaborateurs sur des fonctions pour lesquels leurs capacités ne correspondent pas encore à 100%. Mais ainsi sommes-nous certains que nous n’imposerons pas une organisation et un fonctionnement bancals et non-viables car tenant trop compte des desiderata de tous et chacun.
Avec ceux qui se repositionnent, le questionnement porte sur le type d’organisation recherchée: est-ce une filiale complète, un bureau de représentation, un centre de cout/de profit? L’origine, et donc souvent la culture de travail, compte-t-elle? Quel sera le mode de vente? Et bien entendu nous répondons à des ‘évidences’ comme la localisation. Cela nous permet alors de définir de vraies listes de cibles qui ne dépendent pas juste de la réponse à la question qui connais-je qui pourrait m’aider, qui y a-t-il dans mon réseau. Ainsi nous ne passons pas trop de temps ensuite à considérer cette ‘fausse bonne opportunité’ dans le Nord-Pas-de-Calais alors que vous n’êtes mobile qu’en Ile de France… ou à ne contacter que des entreprises du monde de l’automobile parce que c’est dans ce monde que votre réseau est le plus développé, alors que, franchement, vous en avez assez et considérez que de toute façon vous venez de quitter le meilleur équipementier et que les autres ne tiennent pas la comparaison…
Dans les deux cas il existe forcément une différence entre ce qu’ils cherchent à atteindre et la réalité immédiate de leur situation. C’est justement cet écart qui engendre une tension créatrice que nous utilisons à plein.
«Some people see things as they are and say why? I dream things that never where and say why not?»
Souvent Bobby Kennedy finissait ses discours par cette paraphrase de George Bernard Shaw. Évidemment cette approche me plait! J’aurais aimé voir ce qu’il aurait fait des États-Unis, s’il avait été élu et non abattu. Je m’efforce de cultiver cette attitude et de l’enseigner à ceux que je soutiens.
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